Le pétrole continue de grimper : intérêts et risques pour l’OPEP+

Le pétrole continue de grimper : intérêts et risques pour l’OPEP+

La semaine dernière, une recommandation du comité responsable du suivi de l’accord conclu entre les États membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et leurs alliés (OPEP+) sur la réduction de la production du groupe (JMMC) a de nouveau fait bondir le cours du pétrole. Les deux prix de référence du marché mondial ont atteint des sommets. Le West Texas Intermediate (WTI) a atteint un niveau qu’on avait plus vu depuis sept ans, alors que le prix du Brent est à son plus haut depuis 2018.

L’OPEP+ soutient la hausse des prix

Le Brent, le pétrole de la mer du Nord qui sert de référence au marché européen principalement, et son homologue outre-Atlantique, ont gagné plus de 5 % la semaine dernière. Les prix ont avoisiné les 80 $ le baril avec par exemple le WTI à 78,38 dollars à New York pour les contrats à terme avec livraison prévue en décembre. Le Brent a même franchi pendant un moment la barre des 80 $, atteignant 82 dollars au cours de la séance. Cette hausse est intervenue alors que les pays membres ont approuvé la recommandation faite un peu plus tôt la même journée par le comité de suivi. Il porte sur la confirmation de la limitation de la hausse de la production mensuelle du brut pour le mois prochain, alors que les analystes espéraient un relèvement du taux de production, à cause de la hausse de la demande mondiale.

« Compte tenu des fondamentaux actuels du marché pétrolier (…), l’OPEP+ a confirmé l’ajustement à la hausse de la production globale mensuelle de 400 000 barils par jour pour le mois de novembre », indique le communiqué diffusé par le cartel à l’issue de sa rencontre.

Réunis lors d’un sommet assez rapide tenu par visioconférence à cause de la pandémie de Covid-19, les États membres de l’OPEP+, au nombre de 23, ont donc décidé d’ignorer les nouvelles conditions du marché. Il faut dire que ces prix élevés sont en effet du pain béni pour les pays producteurs et leurs caisses publiques, largement impactés par la chute des cours et de la demande il y a quelques mois, au plus fort de la crise sanitaire qui secoue le monde depuis deux ans.

Alors que les économies rouvrent lentement depuis quelques mois, l’OPEP+ a décidé d’affronter cette situation grâce au JMMC. Il permet de plafonner de façon concertée l’offre mondiale de pétrole, ce qui contribue à faire relever les prix. Cette politique a porté ses fruits au-delà de leurs espérances. Le Nigeria par exemple, première économie d’Afrique, prévoyait encore il y a quelques mois un prix de référence de 57 $ le baril, pour son budget 2022. L’or noir se négocie aujourd’hui bien au-dessus de ce palier. Il s’agit d’une hausse de 110 % en glissement annuel, quand on compare les prix actuels au creux à moins de 38 $ atteint par le baril en octobre 2020. Entre janvier et août 2021, il était seulement en hausse de 40 %.

Une demande en hausse face à une offre limitée

Opep

La hausse du prix du pétrole se justifie par le relatif déficit observé actuellement sur le marché. En juillet, l’OPEP+ a convenu de limiter la hausse de sa production à 400 000 barils par jour et ceci chaque mois jusqu’en avril 2022. En même temps pourtant, la demande mondiale continue d’être robuste, en témoignent les prévisions faites mi-septembre par l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Celle-ci table sur un rebond de 1,6 million de barils par jour de la demande en octobre, une tendance qui devrait se poursuivre jusqu’en fin d’année.

« Les prix du pétrole ont augmenté ces derniers jours en raison d’un déséquilibre croissant entre l’offre et la demande […] l’offre de pétrole n’est pas en mesure de suivre la hausse de la demande », confirme l’analyste d’Avatrade Naeem Aslam.

Il faut également souligner que la hausse de la demande n’est pas seulement liée à l’assouplissement des restrictions mises en place en raison de la pandémie de Covid-19. Des analystes attribuent en effet l’augmentation des prix de l’or noir à celui du gaz. Le cours du gaz européen a ainsi augmenté de 300 % cette année, atteignant notamment 34 dollars par million de British thermal units la semaine dernière.

Cette flambée des prix du gaz risque, apprend-on, de forcer les pays consommateurs à se reporter sur le pétrole dans la production d’électricité. Alors que l’hiver approche, cette tendance pourrait même s’intensifier avec la consommation de l’énergie pour le chauffage des maisons. Selon Bjornar Tonhaugen, un analyste de Rystad Energy, la « transformation » de la consommation de gaz en consommation de pétrole viendrait « pour moitié par la production d’électricité en Asie, pour l’autre, plus incertaine, d’un effet de couverture en cas d’hiver plus froid que la normale dans l’hémisphère nord ».

Si l’OPEP+ maintient ses quotas de production, on pourrait donc facilement se retrouver avec des prix du baril qui continuent de progresser. Le palier de 90 $ prévu par Goldman Sachs serait ainsi franchi et l’on se rapprocherait même d’un prix de 100 $ le baril, en fonction de l’évolution de la situation.

Une telle tendance pourrait néanmoins ne pas être profitable à long terme, pour les pays producteurs du cartel OPEP+. Si l’inflation présente déjà un risque pour la reprise pas encore assez solide de l’économie mondiale, c’est surtout l’apparition de nouveaux acteurs que doivent craindre les membres du cartel. De plus, des prix trop hauts, dans un contexte où les appels à la disparition des énergies fossiles se multiplient, peuvent inciter les consommateurs à accélérer la recherche d’autres alternatives.

Une réunion de l’organisation est prévue pour le 4 novembre prochain, mais selon certaines analyses, l’OPEP+ pourrait ne pas augmenter suffisamment ses niveaux de production, même si elle le voulait. Certains de ces pays membres comme la Libye, l’Angola ou encore le Nigeria, « continuent de faire face à leurs éternels problèmes d’infrastructures, d’investissements et de sécurité », souligne Helima Croft, de RBC Capital Markets.

Le défi des énergies renouvelables

L’Europe est en voie d’acter la fin des moteurs thermiques avant 2040. Plusieurs États américains ont déjà annoncé des décisions similaires ou envisagent de le faire, alors qu’on assiste à un boom de la demande mondiale de véhicules électriques. Si le secteur des énergies propres ne représente pas encore une menace suffisamment sérieuse pour les énergies fossiles, à cause notamment des investissements des institutions financières qui se poursuivent, la donne pourrait bientôt changer. La COP26, qui s’ouvre dans quelques semaines à Glasgow en Écosse, devrait donner plus d’indications sur le sort de l’or noir.