Véhicules à hydrogène : quels acteurs pour quelles stratégies ?

Véhicules à hydrogène : quels acteurs pour quelles stratégies ?

Les véhicules électriques sont au centre de la transition énergétique dans le secteur du transport terrestre. Le marché est en plein boom, sous l’influence des politiques et réglementations pour la fin des véhicules fonctionnant aux carburants fossiles (essence ou diesel). Cependant, les véhicules électriques et leurs batteries lithium-ion ne sont pas la seule alternative pour lutter contre les émissions de CO2. À côté, on retrouve d’autres solutions comme les véhicules à hydrogène. Où en sont les constructeurs automobiles ?

Un véhicule à hydrogène, c’est quoi ?

En août dernier, un road trip organisé sur deux jours par Toyota en Californie a donné lieu à un nouveau record Guinness. Le Toyota Technical Center de Gardena, un site de recherche et développement de la société japonaise a accueilli l’évènement. Au cours du road trip, la Toyota Mirai du constructeur automobile, une berline fonctionnant avec une pile à combustible a en effet parcouru 845 miles, correspondant à 1360 km, avec une seule pile remplie d’hydrogène, avant de se retrouver à court de carburant. La voiture de la marque nippone a donc établi un nouveau record du monde en ce qui concerne l’autonomie des véhicules utilisant l’hydrogène pour se déplacer. Il a battu le précédent record de 887,5 km établi en mai par le Hyundai Nexo. La consommation moyenne pour ce road trip aura été, apprend-on, de 0,42 kg pour 100 km parcourus. Mais qu’est-ce qu’un véhicule à hydrogène ?

Un véhicule à hydrogène fonctionne sur le même modèle qu’un véhicule électrique, à la différence majeure que le premier utilise une batterie électrique alors que le second utilise une pile à combustible. Le combustible dans ce cas est l’hydrogène. Il se mélange à l’oxygène dans le cadre d’une réaction chimique assez simple pour produire de l’énergie, comme une petite usine électrique ambulante. Ce mécanisme se produit sans générer aucune émission et l’hydrogène est renouvelable puisqu’il est présent de façon illimitée dans la nature.

Comme le test de Toyota l’a démontré à nouveau, les voitures à hydrogène ont une autonomie plus que satisfaisante. En réalité, une voiture à hydrogène a une autonomie plus grande qu’une voiture purement électrique, environ 480 km en moyenne. De plus, elle se recharge bien plus vite. Alors que les véhicules électriques ont besoin d’une demi-heure à plusieurs heures pour « faire le plein », il ne faut même pas cinq minutes aux réservoirs d’hydrogène qu’utilisent les voitures à pile à combustible pour se remplir et être prêtes à repartir.

Les constructeurs automobiles engagés dans l’hydrogène

Hopium

En France, Renault fait partie des constructeurs automobiles investis dans le développement de véhicules à hydrogène. Depuis 2014, le groupe fait office de pionnier avec sa Kangoo Z.E Hydrogen. Doté d’une batterie électrique de 30 kWh, ce véhicule utilise en effet aussi un stockage d’hydrogène de façon complémentaire, ce qui fait passer l’autonomie de 230 km à 370 km. Début janvier 2021, la société est même allée plus loin en s’associant à Plug Power, leader mondial de la pile à combustible, afin de devenir « leader dans le domaine des véhicules utilitaires légers à hydrogène [VUL, NDLR] ». Après la création d’une coentreprise 50/50 basée en France, les deux parties se donnent pour mission de détenir plus de 30 % du marché des VUL à hydrogène en Europe. Pour y arriver, elles comptent construire un centre d’excellence dédié à la recherche et au développement, à la fabrication puis la mise sur le marché des véhicules à hydrogène. Les infrastructures associées comme les bornes de recharge ou l’approvisionnement en hydrogène seront aussi un axe de travail.

Toujours dans l’Hexagone, le constructeur Hopium a rempli son premier carnet de commandes pour sa berline haut de gamme utilisant l’hydrogène, la Machina. Elle a reçu la commande de 1 000 exemplaires de ce véhicule avec des livraisons attendues en 2025. Le prix annoncé pour chaque exemplaire étant de 120 000 euros, la société s’attend à un chiffre d’affaires de 120 millions d’euros pour 2025, l’année de livraison prévue actuellement. Notons que ce prix de vente place la Machina dans le secteur du moyen-luxe.

Outre les français, d’autres constructeurs européens sont positionnés sur la voiture à hydrogène, en particulier les géants allemands. Ainsi, BMW a clairement affiché son ambition de mettre sur le marché un véhicule à hydrogène à un prix modéré (destiné donc au grand public) d’ici 2030.

« Que cette (technologie) soit motivée par la politique ou la demande, nous serons prêts avec un produit […] Nous sommes sur le point d’y arriver et nous sommes vraiment convaincus que nous verrons une percée au cours de cette décennie », a indiqué Jürgen Guldner, vice-président de BMW, responsable du projet de voitures à combustible à hydrogène du groupe allemand.

En juin dernier, BMW a ainsi lancé des tests pour le modèle i Hydrogen NEXT sur les routes d’Europe, en conditions réelles d’utilisation. Elle a notamment cherché à évaluer l’efficacité, la sécurité, la fiabilité, la commodité et le plaisir de conduire. Le véhicule devrait sortir sur le marché dès l’année prochaine, selon les propos du PDG Oliver Zipse.

De son côté, Audi de Volkswagen Group avance discrètement ses pions et a réuni entre autres une équipe de 100 mécaniciens et ingénieurs dans un processus de recherche et développement. Cela a déjà donné lieu à la construction de quelques prototypes.

Des obstacles à surmonter

Si les véhicules à hydrogène n’ont pas encore la même publicité que les véhicules électriques, ils bénéficient déjà de plusieurs coups de pouce. Le gouvernement allemand a ainsi mobilisé des centaines de millions d'euros pour soutenir les constructeurs nationaux engagés dans ce secteur alors qu’en France, l’État subventionne à hauteur de 16 000 euros les achats de véhicules à hydrogène. Cependant, le plus grand obstacle qu’il reste à franchir est celui concernant les bornes de ravitaillement.

« Tant que le réseau de stations de ravitaillement pour les voitures à hydrogène sera aussi mince, la faible demande des clients ne permettra pas une production de masse rentable des véhicules à pile à combustible. Et tant qu’il n’y aura pratiquement pas de voitures à hydrogène sur les routes, les opérateurs ne développeront qu’avec hésitation leur réseau de stations de ravitaillement », résume Axel Rücker, directeur du programme Pile à combustible hydrogène chez BMW.

Pour le moment, la France compte environ 100 stations et veut atteindre 1000 d’ici 2030. Il en existe 150 déjà opérationnels en Europe alors que 750 devraient également être en cours d’installation. L’objectif annoncé est l’installation de 3700 stations en Europe d’ici 2025.