Coinbase : envers et contre le gendarme américain de la bourse

Coinbase : envers et contre le gendarme américain de la bourse

L’action Coinbase a souffert dernièrement. Le géant des cryptomonnaies a en effet annoncé une mauvaise nouvelle. Elle concerne une interdiction qui lui est faite par la Securities and Exchange Commission (SEC) de lancer son nouveau service. Prévu normalement pour être disponible dans quelques semaines, il concerne le prêt de cryptomonnaies avec des taux d’intérêt attractifs.

Incompréhension chez Coinbase

Dans son article de blog du 8 septembre, Coinbase indique avoir reçu des menaces de la part du gendarme américain de la bourse. La SEC a en effet averti la plateforme que des poursuites judiciaires seraient mises en œuvre par ses services, si Coinbase outrepasse son autorité et lance quand même son service. Ces menaces suscitent incompréhension et stupeur chez Coinbase, et ceci pour plusieurs raisons.

Le programme en question, dénommé « Coinbase Lend » consiste pour les utilisateurs de la plateforme à prêter leurs fonds, en l’occurrence de l’USD Coin (USDC) pour commencer. Cette offre est adossée à un argument de vente pour le moins attirant, car les clients auront droit à un intérêt annuel de 4 % sur leurs fonds prêtés, « soit plus de 8 fois la moyenne nationale pour les comptes d’épargne à haut rendement » aux États-Unis. Notons que l’USDC est une stablecoin, c’est-à-dire un type d’actif numérique répliquant la valeur faciale d’une monnaie fiduciaire, ici le dollar américain.

Plusieurs sociétés de crypto lancent depuis des années ce type de service sans consulter les autorités et leurs activités se déroulent bien. D’où l’incompréhension de Coinbase qui a choisi, elle, l’option d’un « dialogue ouvert et substantiel » avec le régulateur, selon les mots de son directeur juridique Paul Grewal. Depuis près de six mois, Coinbase affirme en effet discuter avec la SEC à propos de sa nouvelle offre. Mal lui en a pris visiblement.

Enquête de la SEC

SEC

Le gendarme américain de la bourse a tôt fait de mettre des bâtons dans les roues de Coinbase, comme le font nombre de régulateurs du monde entier depuis quelques mois avec l’industrie des cryptomonnaies. Coinbase a annoncé fin juin le lancement officiel de l’offre Lend, avec l’ouverture d’une liste d’attente pour les clients intéressés, sans toutefois préciser de date de lancement officiel. Cela a néanmoins suffi pour que la SEC ouvre une enquête formelle contre l’entreprise.

« Elle a demandé des documents et des réponses écrites, et nous les avons fournis de bon gré. Ils nous ont également demandé de fournir un témoin de l’entreprise pour faire un témoignage sous serment sur le programme », indique Coinbase, qui précise qu’elle n’a jamais été informée des griefs précis portés par la SEC vis-à-vis de l’offre.

La présentation de ces griefs aurait en effet pu permettre à la plateforme de s’expliquer afin de clarifier la situation et éviter de malheureux malentendus. Cette attitude de la SEC tranche avec les discours récents des autorités, appelant à une régulation du marché des cryptomonnaies. « Nous sommes ravis de respecter les règles. Tout ce qu’on demande, c’est d’être traités au moins de la même façon que les services financiers traditionnels et de ne pas être punis parce qu’on appartient à l’espace des cryptomonnaies », a alors déclaré Brian Armstrong, patron de Coinbase.

Si le dialogue qui doit permettre d’en arriver là est désormais conduit avec des menaces, un cadre réglementaire n’est pas prêt de voir le jour. Pendant ce temps, d’autres pays dans le monde encouragent le développement de l’industrie des cryptomonnaies. Les deux exemples en date sont le Salvador, un petit pays d’Amérique centrale qui a récemment donné cours légal au Bitcoin, devenant le premier pays de la planète à utiliser les cryptomonnaies comme devise officielle.

La semaine dernière, le parlement ukrainien a aussi voté une loi pour rendre les transactions de cryptomonnaies légales, sans toutefois aller jusqu’au niveau du Salvador. D’autres initiatives du genre devraient se multiplier à l’avenir, face à l’adoption croissante des actifs numériques par les consommateurs individuels, mais aussi d’investisseurs institutionnels comme les banques JP Morgan et Citi.

Coinbase investit dans les cryptos !

Coinbase a indiqué que le lancement de l’offre Lend n’interviendrait pas avant octobre, dans le cas où la situation se décante avec la SEC. En attendant, la société, qui a opéré il y a quelques mois une entrée en bourse retentissante, n’est pas prête d’abandonner les cryptomonnaies. Elle a annoncé en août un investissement de 500 millions $ dans l’acquisition et l’entretien d’un portefeuille d’actifs numériques.

En dehors des cryptomonnaies, dont les plus connues Bitcoin, Ethereum, seront concernées par cet investissement des jetons DeFi et les autres actifs disponibles sur la plateforme d’échange de Coinbase. Notons que les fonds proviendront de la trésorerie du groupe. D’ailleurs, la société va consacrer à l’avenir 10 % de son revenu net chaque trimestre pour continuer d’alimenter ce portefeuille. L’objectif de la démarche est, apprend-on, de favoriser l’adoption et l’utilisation des cryptomonnaies.

« Nous croyons en la cryptoéconomie, un avenir où les transactions économiques - achat, vente, dépense, gain - seront basées sur des actifs en crypto », explique l’entreprise dans son communiqué.

Cette annonce, ainsi que la décision de PayPal d’étendre au Royaume-Uni son service d’achat et de vente de cryptomonnaies, a notamment reconduit le Bitcoin vers le palier des 50 000 $ (avant une chute à 44 000$).

250 millions $ d’actions vendues en un mois

Marc Andreessen

Avec la cotation directe sur le Nasdaq de Coinbase, ses dirigeants en ont profité pour vendre leurs actions. Selon une analyse effectuée par le site Protos, l’un des directeurs, Marc Andreessen, a été celui qui a le plus vendu le mois dernier, avec 188 millions de recettes réalisées en août, soit plus des deux tiers de la valeur des actions écoulées ce mois. Si Coinbase a tenté d’expliquer cette frénésie de ses dirigeants en indiquant qu’ils n’étaient pas les seuls à le faire sur le marché, la situation reste préoccupante.

Ainsi, sur les 145 premiers jours de cotation, les dirigeants ont « dumpé » pour 5,4 milliards $ d’actions avec 3,6 milliards $ pour le seul investisseur en capital-risque Fred Wilson. C’est un montant quatre fois plus élevé que ceux récupérés par les cadres d’Asana, Palantir, Roblox et Slack, les quatre sociétés auxquelles Coinbase a comparé cette situation.

Il faut souligner que ces ventes massives d’actions ont un effet désastreux sur le titre Coinbase. L’action, qui s’était échangée jusqu’à 381 dollars au début de sa cotation, soit 52 % au-dessus du prix de référence (250 $), est tombée bas aujourd’hui, s’échangeant à moins de 245 $ le 13 septembre.