Un an après la mort de George Floyd, où en sont les promesses anti-discriminations raciales des sociétés américaines ?

Un an après la mort de George Floyd, où en sont les promesses anti-discriminations raciales des sociétés américaines ? Le 25 mai 2020, l’Afro-Américain George Floyd a trouvé la mort par asphyxie lors d’une arrestation. Ce nouvel épisode de la violence policière à l’égard des noirs aux États-Unis a relancé le débat sur les discriminations raciales dans le pays. Il a incité les entreprises américaines à prendre des engagements pour éliminer toute forme de racisme et de discriminations à l’égard des noirs principalement, mais aussi de toutes les victimes potentielles de racisme. Un an plus tard, qu’est-ce qui a été réellement fait ?

Le bilan des promesses

Le mouvement Black Lives Matter est né en 2013 suite à la mort d’un adolescent noir Trayvon Martin tué par un blanc. Il a ressurgi l’année dernière après la mort de George Floyd et a bénéficié du soutien des grandes marques et entreprises américaines. Le soutien a d’abord consisté en plusieurs déclarations sous toutes formes comme cette vidéo iconique de Nike où la marque à la virgule a transformé son slogan « Just do it » en « Don’t do it » afin de dénoncer le racisme. Plus encore, la société a annoncé qu’elle consacrera 40 millions $ sur quatre ans pour encourager les associations et organisations qui luttent contre les inégalités raciales et militent plutôt pour l’inclusion et la justice sociale.

Ce n’est pas la seule promesse faite à l’époque, car Disney, Netflix, Google ou Facebook se sont tous engagés à soutenir l’équité raciale. Un an plus tard donc, les investisseurs et autres actionnaires déjà sceptiques au départ se posent des questions sur la réalité de ces promesses. Au cours des assemblées générales prévues dans les prochaines semaines ou les prochains mois, on pourrait donc assister à diverses motions.

Chez le géant Walmart par exemple, les actionnaires devront décider si la direction doit publier un rapport sur son équité salariale. Il s’agit de voir si la société pratique des discriminations dans la rémunération de ses employés en tenant compte de leur couleur de peau. Chez Google et sa maison mère Alphabet, il s’agira d’examiner la possibilité d’avoir un référent chargé de la question des droits civils au Conseil d’administration.

Un autre mécanisme tout aussi intéressant serait d’exiger des compagnies qu’elles se soumettent à un audit d’équité raciale. Cet examen devrait servir à mettre en parallèle les réalisations faites réellement au sein de leurs opérations par rapport à la question du racisme et leurs promesses. Cela permettrait de sauvegarder l’image de marque de ces entreprises, ce qui constitue avant tout l’objectif premier des propriétaires.

« Il y a un bon nombre d’actionnaires qui reconnaissent qu’il s’agit d’un problème qui pourrait causer des dommages à la réputation à un niveau significatif », confirme Tejal Patel, directeur de la gouvernance d’entreprise chez CtW Investment Group.

Défendre son image de marque

Malgré leurs déclarations rivalisant de compassion envers la communauté afro-américaine au moment de la mort de George Floyd, les entreprises américaines ne sont pas des ONG de défense des droits humains. Leur véritable objectif commun avec cette campagne de soutien à la cause noire est en effet de dissocier leur image de marque de toute accusation de tolérance au racisme ou pire, d’encourager ce phénomène. La pression de la communauté noire a également joué un rôle essentiel dans ces décisions, d’autant plus que plusieurs personnalités noires se sont engagées comme l’ancien président Barack Obama ou les égéries de ces marques, à savoir les stars noires de la musique ou du monde du sport.

Par ailleurs, la part importante de la population américaine (environ 15 % selon des statistiques) que représentent les Noirs est un marché de consommation que ne peuvent négliger ces entreprises. C’est ce qui explique leurs engagements, qui ne s’est d’ailleurs pas arrêté au simple stade des déclarations dans les médias ou sur les réseaux sociaux. Bank of America a ainsi promis 1 milliard $ pour lutter contre les inégalités raciales et économiques sur quatre ans. Il s’agit de financer par exemple les entreprises appartenant à des minorités (Noirs, Hispaniques, etc.).

Bank Of America

L’institution s’est aussi engagée à investir dans les services de santé proches des communautés en question et à nouer des partenariats avec les établissements d’enseignement majoritairement fréquentés par les minorités. PayPal a créé un fond de 500 millions $ destiné aussi à soutenir les entreprises noires et détenues par d’autres minorités, alors que Facebook s’est engagé à doubler le nombre de ses employés noirs et latino d’ici 2023. Le nombre de Noirs occupant des postes de direction devrait lui aussi grimper à 30 % d’ici 2025. Une autre action importante est celle accomplie par Amazon en imposant un moratoire d’un an sur l’utilisation de sa technologie de reconnaissance faciale par la police. Cette dernière critiquée pour son traitement discriminatoire envers les Noirs a été interdite indéfiniment aux forces de l’ordre par Amazon il y a quelque temps.

Le marché exige encore plus

Toutes ces décisions n’ont vraisemblablement pas suffi à satisfaire actionnaires, investisseurs et même employés de ces grandes sociétés. Ces dernières n’ont déjà pas bonne réputation du fait de leur silence coupable habituel sur la question des droits civiques aux États-Unis. Les choses changent certes, mais pas suffisamment au goût d’une partie de la population américaine. La mort de George Floyd aura en effet incité davantage d’Américains à s’intéresser à la question de l’équité raciale. Selon un sondage de Paradigm and Harris Poll, deux tiers des Américains souhaitent que leurs employeurs se prononcent publiquement contre l’injustice raciale. Ils estiment que ces entreprises seraient coupables si elles ne le faisaient pas et certains travailleurs interrogés (54 %) envisagent même la démission pour protester contre l’inaction.

« Je pense que nous voyons de plus en plus les employés attendent plus de leur entreprise sur une gamme de thèmes d’impact social », confirme Joelle Emerson, fondatrice et PDG de Paradigm, dans des propos relayés par USA TODAY.

En plus des annonces marketing et des belles vidéos sur les réseaux sociaux, les entreprises devraient donc communiquer davantage sur leurs réalisations (et pas seulement sur les promesses). Par ailleurs, elles peuvent créer davantage d’espaces d’expressions permanentes pour la lutte contre le racisme, au lieu de se contenter de déclarations dans les médias à chaque crise comme celle déclenchée par la mort de George Floyd. Dans le cas contraire, une inaction persistante serait préjudiciable à cette époque où les « bad buzz » sont vite arrivés et la sanction en bourse immédiate. Car au-delà des employeurs, la question du racisme affecte aussi les marchés financiers et les investisseurs peuvent rapidement éviter une société considérée comme raciste, soutien du racisme ou tolérante au racisme.