Scission entre Vivendi et Universal Music Group : le géant français veut passer à autre chose !

Scission entre Vivendi et Universal Music Group : le géant français veut passer à autre chose !Le cours de l’action du conglomérat français Vivendi a connu un envol de près de 15 %, dépassant les 30 euros. Les investisseurs ont réagi favorablement à l’annonce par le groupe de la prochaine introduction en bourse de sa filiale Universal Music Group et la distribution « exceptionnelle » de 60 % du capital de cette dernière à ses actionnaires. L’action Bolloré a également profité de cette nouvelle, grimpant de 13,13 % pour se négocier à plus de 4 euros.

Vivendi veut tourner la page UMG

Selon le communiqué de Vivendi publié sur son site web samedi dernier, sa décision de se séparer d’UMG intervient alors que ses grands actionnaires institutionnels réclament depuis plusieurs années la scission ou la distribution d’Universal Music Group pour diminuer la décote du conglomérat. La direction du groupe français ne voulait pas, apprend-on, répondre favorablement à la demande sans valoriser UMG à hauteur de 30 milliards d’euros. S’il décide enfin de céder à cette requête, c’est parce qu’il a atteint ce but et que le moment y est propice.

Le groupe a indiqué le 13 février sur son site que cette décision est motivée par la valeur actuelle de plus de 30 milliards d’euros d’Universal Music Group sur la base de laquelle a été récemment effectuée la vente de 10 % du capital de l’entreprise à un consortium dirigé par Tencent, une holding active dans la fourniture de services internet et mobile, mais également dans la publicité en ligne. Le groupement d’entreprises a ainsi porté à 20 % sa participation dans UMG.

De plus, les requêtes de prise de participation de nouveaux investisseurs sur la base de « prix potentiellement supérieurs » ont convaincu la direction de considérer l’option de la distribution de 60 % du capital d’UMG à ses actionnaires.

D’après les détails énoncés, la distribution « exceptionnelle » (special dividend) de 60 % du capital de la filiale se fera exclusivement en nature. Les actions d’UMG seront négociées sur la bourse d’Amsterdam, un des plus anciens marchés boursiers au monde, mais aussi la première bourse européenne en matière de trading d’actions depuis le Brexit.

Si le groupement d’entreprises mené par Tencent a déjà donné un premier aval pour la scission annoncée par Vivendi, une assemblée générale extraordinaire des actionnaires du géant français est prévue pour le 29 mars 2021 pour travailler sur la question avec l’objectif de tout finaliser avant la fin de l’année en cours.

Si les autres actionnaires donnent leur consentement, Vivendi tournerait une grande page de son histoire. Le groupe présent dans une centaine de pays et appartenant à l’indice CAC 40 avait acquis Universal Music Group en 2000. Aujourd’hui, ce dernier, qui est avec Warner et Sony l’une des trois majors du disque, domine le marché mondial de la musique enregistrée et détient le plus grand catalogue de droits sur des œuvres musicales.

Moteur de la croissance du groupe Vivendi

Universal Music Group

Pour comprendre la genèse de la relation entre Vivendi et Universal Music Group, il faut remonter aux années 1990 et à l’acquisition d’UMG par Edgar Bronfman Jr. Lorsqu’en juin 2000, Jean-Marie Messier, alors patron de Vivendi, acquiert l’empire des Bronfman, notamment Seagram, il met dans l’escarcelle du groupe la major de la musique.

Avec le boom du streaming quelques années plus tard, de nouvelles recettes ont permis de compenser la chute des ventes de CD. D’autres avantages ont aussi contribué à remettre au premier plan les activités d’UMG.

Grâce à tous les facteurs susmentionnés et alors que la filiale Canal + ne croit plus vraiment, UMG est devenue le moteur de la croissance de Vivendi. Malgré les conséquences de la crise sanitaire que vit le monde depuis fin 2019, qui a notamment impacté les ventes physiques de CD, il maintient encore ce statut. D’après des données datant de 2019 à début 2020, l’entreprise pèse un peu moins de la moitié des revenus du groupe et environ 70 % de son résultat opérationnel courant.

Quelles perspectives pour le groupe Vivendi ?

Le moment où un Softbank proposait 6 milliards pour acquérir UMG (en 2013) semble aujourd’hui bien loin. La cotation prochaine de l’entreprise à la bourse d’Amsterdam sera plus que profitable aux actionnaires de Vivendi. En tête de liste, Vincent Bolloré et son groupe Bolloré, qui détiennent 27 % du géant français des médias, possèderont 16 % d’UMG. Si l’entreprise est valorisée à 30 milliards d’euros (objectif minimum du directoire), cette participation vaudrait près de 5 milliards d’euros.

Les actionnaires de Vivendi ont beaucoup à gagner avec la scission annoncée. Mais qu’en est-il du groupe lui-même ? Il faut à ce propos noter que selon certains analystes, en monétisant l’actif, Vivendi pourra se donner une marge de manœuvre financière pour redéployer son capital dans d’autres projets.

« Il s’agit d’une opération naturellement positive pour Vivendi et qui s’inscrit dans un contexte plus large de simplification des structures Bolloré, Vivendi et donc UMG », explique une note d’analyse d’Oddo BHF.

Ainsi, il ne sera pas surprenant de voir le géant français des médias se recentrer en 2022 sur toutes ses principales filiales restantes, en l’occurrence le groupe Canal +, Editis ou encore Havas. Par ailleurs, il pourrait également s’activer pour saisir des opportunités d’investissement dans des groupes comme M6 (propriétaire de RTL) ou encore Europe 1. Il ne faut pas non plus oublier les participations minoritaires qu’il détient déjà dans Lagardère, Mediaset, Prisa, Spotify. Après la conclusion de l’opération d’UMG, il conservera aussi dans l’entreprise des intérêts minoritaires de 20 %.

Une chose est certaine, Vivendi a entamé depuis plusieurs mois déjà une marche en avant en étant très active sur plusieurs fronts. Rappelons qu’il a signé fin décembre une promesse d’achat pour acquérir la totalité du groupe de presse Prisma Media. Le groupe bi-média numéro 1 en audience print-digital est l’éditeur de Géo, Femme Actuelle, Voici, Capital ou encore Gala. La filiale du géant allemand Bertelsmann avait collaboré quelques mois auparavant avec Vivendi pour développer des contenus audio.

Il a aussi acquis en janvier dernier 7,6 % de participation puis porté ses intérêts à 9,9 % dans le groupe espagnol de presse Prisa, propriétaire du célèbre El Pais, de la radio Cadena SER, du quotidien sportif « As » ou encore de l’éditeur scolaire Santillana. Vers la fin de l’année 2020, Vivendi a également porté de 6,5 % à 12 % ses intérêts dans le capital-actions de Multichoice, le premier acteur de télévision payante en Afrique. Selon plusieurs observateurs, il existe une réelle possibilité de voir le groupe continuer sur cette tendance pour acquérir un jour une participation majoritaire dans Multichoice.